Penser ensemble provoque des idées singulières et notre mot d’ordre étant « Consersations d’artistes », j’ai eu l’idée d’une mise en scène par correspondance. Cette idée était venue d’un souvenir, et ce souvenir d’une lettre, archive d’un travail passé.
Cette lettre, j’avais eu l’occasion de l’entendre pendant les répétitions françaises de Civil Wars, de Bob Wilson dans laquelle je devais jouer une variation sur la radioactivité. Il y avait une jeune femme, un vélo à la main, qui lisait une lettre, celle de Marie à Pierre Curie, je jour de ses funérailles. C’est à l’occasion de ces funérailles que j’ai croisé Heiner Müller (…) Le spectacle n’a jamais vu le jour, mais la lettre est ressortie de cette belle poubelle. J’ai demandé à Bob Wilson de bien vouloir me dire devant une caméra ce que je devrais faire, et avec qui, et avec quoi, à propos de cette lettre que je voulais sauver. J’ai ensuite élargi cette demande à d’autres metteurs en scène amis avec lesquels j’avais aimé travaillé. Ils ont tous accepté et j’ai obtenu ainsi quatre vingt dix minutes de didascalies, où chacun me donnait ses indications, se moquant souvent de moi, s’interrogeant et divagant sur l’absence et sur la mort.
Evelyne Didi, Les chemins de traverse
https://www.persee.fr/doc/item_1167-5101_2005_num_26_1_1370
Image : Affiche de Didascalies (Archives Evelyne Didi), radiographie d’une danseuse de Degas