Camp Century

P.1959-2

Le projet naît en 1959, au nord-ouest du Groenland. Officiellement, il sagit d’établir un laboratoire de recherche alimenté par un petit réacteur nucléaire. Les militaires américains creusent en secret un réseau de galeries pour stocker 600 missiles balistiques. Les ingénieurs réalisent que la glace est mouvante et menace de broyer les tunnels. Le projet est abandonné, le réacteur nucléaire extrait, les déchets demeurent.

Yohan Blavignat,Au Groenland, une base militaire secrète américaine refait surface”, Le Figaro, 30/09/2016 à 21:19

Des blocs de glace qui fondent et menacent de libérer des déchets radioactifs dans la nature. Ce n’est pas le scénario d’un film catastrophe, mais ce qui pourrait bien arriver en Arctique dans un avenir plus ou moins proche. Car dans le Grand Nord, le changement climatique risque d’avoir des effets désastreux sur l’environnement. La région compte plus de 90 sites pollués par des déchets radioactifs d’origines industrielle et militaire, d’après l’ONG environnementale Robin des Bois. « Et l’on s’attend à ce que le changement climatique aggrave les problèmes déjà existants », assure Rashid Alimov, chargé de campagne énergie chez Greenpeace Russie.

Avec la fonte de la banquise polaire et la dégradation du permafrost, les déchets autrefois emprisonnés par le froid pourraient ainsi se disséminer à grande échelle et contaminer les écosystèmes. Une étude canadienne publiée en 2016 dans le journal Geophysical Research Letters postule par exemple que plusieurs centaines de milliers de litres d’eaux usées, de fuel et de liquide radioactif datant de la pourraient refaire surface à partir de 2090, dans le nord-ouest du Groenland. Ces déchets, abandonnés sous 36 mètres de glace en 1967, proviennent de Camp Century, une base militaire américaine secrète aujourd’hui hors d’usage. « Sans le réchauffement, ils auraient pu rester emprisonnés sous la glace à jamais », commente Mikkel Myrup, président de l’association de défense de l’environnement Avataq. « Mais aujourd’hui, c’est devenu vraiment dangereux. Même si la glace ne fond pas complètement, il peut y avoir des écoulements. »

Ce projet fou naît en 1959, au nord-ouest du Groenland. Le Corps des ingénieurs de l’armée américaine (Usace) entreprend alors de construire «Camp Century», à environ 200 kilomètres à l’est de la base aérienne américaine de Thulé. Officiellement, il s’agit d’établir des laboratoires de recherche sur l’Arctique. D’immenses tunnels sont bien percés pour accueillir les laboratoires, un hôpital, un cinéma et une église, le tout étant alimenté par un petit réacteur nucléaire. Seulement, trois ans plus tard, les militaires américains soumettent à leur état-major le fameux projet «Iceworm»: creuser au même endroit un réseau de galeries et y stocker quelque 600 missiles balistiques.

Les travaux sont lancés mais ne sont guère concluants. Les ingénieurs réalisent rapidement que la glace est vivante, mouvante, qu’elle menace de broyer les tunnels. Le projet est totalement abandonné en 1967. Le réacteur nucléaire est extrait, les déchets demeurent. Malgré l’ampleur du projet, «Iceworm» restera secret jusqu’en 1997, date à laquelle l’Institut danois de la politique étrangère (Danish Foreign Policy Institute) publia un rapport, à la demande du parlement, concernant l’histoire des armes nucléaires au Groenland. Contactés par Le Figaro, de nombreux chercheurs spécialiste de la période ont en effet découvert l’existence de cette base cette semaine, mais jugent que «Camp Century» devait être avant tout pensé comme «une base de repli» au cas où le sol américain était attaqué dans une période de grande incertitude au lendemain de la Seconde guerre mondiale.

https://www.lefigaro.fr/international/2016/09/30/01003-20160930ARTFIG00401-au-groenland-une-base-militaire-secrete-americaine-refait-surface.php

Marie Daoudal, Les déchets nucléaire, bombe à retardement de l’antarctique

Les déchets nucléaires, bombe à retardement de l’Arctique

http://archivesgamma.fr/1959/01/08/camp-century