Pour une tonne d’uranium enrichi utilisé en réacteur commercial, on se retrouve avec 935 kilos d’uranium, 12 kilos de plutonium, environ 1 kilo de neptunium-237, 800 grammes d’américium et 600 grammes de curium. « Si nous parvenons à casser ces noyaux lourds qui nous ennuient tant dans le combustible usé, leur radiotoxicité va être ramenée de 300.000 ans à 300 ans. Et en récupérant l’uranium, le plutonium et les actinides du combustible nucléaire, nous allons réduire d’un facteur 100 la quantité de déchets ultimes à placer en stockage géologique. Cette transmutation des actinides mineurs a déjà été réalisée à l’échelle du laboratoire, nous devons maintenant passer à l’échelle préindustrielle pour démontrer que c’est faisable: c’est l’objectif de Myrrha », résume Hamid Aït Abderrahim. « Cela pourrait conduire ensuite à la construction d’un réacteur industriel pour la transmutation des déchets nucléaires, pas nécessairement en Belgique: c’est une infrastructure qui devrait se faire à l’échelle de l’Europe. »
Mais le chemin est encore long, très long. Alors que l’accélérateur de Guinevere ne fait qu’une dizaine de mètres, celui de Myrrha fera près de 300 mètres. D’ici 2026, il est prévu de construire un accélérateur de particules de 100 MeV (mégaélectronvolts), pour démontrer la fiabilité de l’accélérateur de 600 MeV qui doit être construit dans une deuxième phase.
Les premiers mètres de cet accélérateur sont actuellement assemblés au cyclotron de Louvain-la-Neuve. Une infrastructure qui, dès 2027, devrait produire des radio-isotopes médicaux innovants, et notamment toute une nouvelle gamme thérapeutique, et non plus seulement des radio-isotopes destinés au diagnostic. À partir de 2027, l’accélérateur de particules de 600 MeV et le réacteur lui-même devraient être construits en parallèle, pour avoir une infrastructure pleinement opérationnelle en 2034.
À plus long terme, Myrrha pourrait aussi aider à développer de nouveaux réacteurs, plus sûrs et plus efficaces. « Les réacteurs rapides produisent 100 fois plus d’énergie avec la même quantité de combustible, explique le directeur adjoint du SCK-CEN. Et ils sont aussi plus flexibles, ce qui est fondamental dans un monde qui développe les énergies renouvelables intermittentes. »
Christine Scharff, Les Echos,19 février 2019
Image : Nayiri Khatcheressian et Malek Haj Tahar