Arlit

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Au début, Arlit était un campement, puis les gens sont venus sinstaller. Aujourdhui, cest 150 000 habitants, 4 000 mineurs. Areva a créé cette ville, les écoles, les hôpitaux. Mais les habitants ont utilisé largile contaminée pour leurs maisons. Certains quartiers sont à moins de 200 mètres de la mine duranium. Et les tempêtes de sable propagent la radioactivité dans la ville.

Amina Weira, « Niger. À Arlit, les gens boivent de l’eau contaminée par la radioactivité », propos recueillis par Matteo Maillard, Le Monde, 26 février 2018

Dans le documentaire, vous montrez cette poussière radioactive, l’eau empoisonnée, les maisons construites avec la terre des mines, la nourriture contaminée, le bétail qui meurt…

Je voulais faire ressortir la vie quotidienne, montrer toutes les activités de la ville. On voit la fabrication des marmites : les gens récupèrent la ferraille de la mine, la fondent et la transforment en ustensiles de cuisine qu’ils vendent à la population ou exportent au Nigeria. Ils ne mesurent pas le danger de cette activité. Lorsqu’ils fondent le fer, la radioactivité se libère. C’est là qu’Areva doit intervenir, en empêchant la population de récupérer cette ferraille contaminée.

Des maisons doivent même être détruites car les murs d’argile contiennent de la radioactivité.

Il faut comprendre qu’au début, Arlit était un campement, une cité de mineurs, puis les gens sont venus s’installer, espérant tirer profit de cette activité. Aujourd’hui, il y a près de 150 000 habitants, dont environ 4 000 travailleurs de la mine. Areva a créé cette ville de toutes pièces. Il fallait que les travailleurs aient toutes les conditions possibles pour rester. Ils avaient des enfants, il a fallu des écoles. Ils étaient malades, il a fallu des hôpitaux. Pour construire, les habitants ont utilisé l’argile contaminée autour d’eux. Certains quartiers sont à moins de 200 mètres de la mine. Les normes ne sont pas respectées. Et les tempêtes de sable propagent la radioactivité dans la ville.

On voit aussi des femmes dont le bétail meurt inexplicablement.

Quand on boit l’eau d’Arlit, on sent qu’elle n’est pas tout à fait potable, qu’elle est différente du reste du pays. Les femmes parlent des employés d’Areva qui ne boivent que de l’eau minérale, alors qu’elles n’ont pas les moyens. Une des mines se trouve en dessous de la nappe phréatique. Certains se font donc livrer l’eau des régions voisines. Un château d’eau vient d’être construit, mais il n’est pas suffisant pour alimenter toute la ville.

Que reprochez-vous à Areva ?

Qu’ils se soient accaparé nos richesses sans prévenir les travailleurs des risques encourus. Ils ont tablé sur l’ignorance de la population pour faire du profit. Les ouvriers vivent dans une cité où ils ne paient ni l’eau, ni l’électricité, ni le loyer. Il y a un certain luxe qui permet de les conserver dans le silence, car il est difficile de cracher dans la soupe. Le Niger a un taux de chômage très élevé. Un jeune sans emploi ne va pas y penser à deux fois si on lui propose ces avantages. Il s’habitue à ce luxe et même s’il se rend compte des effets néfastes sur sa santé, il ne dira rien de peur de perdre son travail.

Amina Weira, auteure d’un documentaire sur la mine d’Arlit. Propos recueillis par Matteo Maillard, Publié le 26 février 2018 à 18h22 

http://archivesgamma.fr/2018/02/26/arlit