4 bâtiments

O.2011-4

Trois mois après la catastrophe survenue à Fukushima en mars 2011, la TEPCO, exploitant de la centrale nucléaire installe une livecam sur le site. Ces images, où dates et heures défilent à vue, sont accessibles sur internet. Ce sera là, défi audacieux relevé par Philippe Rouy, la matière visuelle exclusive de 4 bâtiments, face à la mer.
Catastrophe à distance, effets les plus toxiques invisibles, c’est là un des paradoxes pointés par ces images à la pauvreté entêtante. La livecam, témoin faussement transparent, se signale surtout comme le surveillant d’un paysage mort. Les images produites par cet oeil mécanique filmant de jour, de nuit, sous la pluie, au vent, Rouy les transforme, par la seule puissance du montage, en séquences spectrales à la beauté maladive. Impression renforcée par la présence des silhouettes blanches des liquidateurs, travailleurs sans visage sous leur tenue de sécurité, s’affairant, disparaissant, revenant, tels des zombies futuristes. Une agitation rendue dérisoire, tant cet espace hors des hommes se voit rendu aux insectes et aux oiseaux qui semblent avoir repris leurs droits, alors qu’on entendra, pour conclure, l’arrogance des bâtisseurs en off. Seule trouée dans cette zone désolée, l’action spontanée, accusatrice, d’un des liquidateurs. Mais qui ne fait qu’accentuer, jusqu’à l’hallucination, cette atmosphère postapocalyptique.

Nicola Féodoroff, FID 2012

http://archivesgamma.fr/2012/03/22/4-batiments-face-a-la-mer