Goldorak

D.1975-4

Les multiples explosions qui ponctuent les combats titanesques opposant Goldorak aux Golgoths et autres Antéraks rappellent inévitablement les images d’explosions nucléaires. Nous ne prendrons ici que quelques exemples : l’explosion de l’aragne dans l’épisode 5, celle de l’épisode 6, ou encore celle de l’épisode 25, qui raconte la destruction de la planète Euphor par les vaisseaux spatiaux de Stykadès. Dans cet épisode, Aphélie, persuadée qu’Actarus a tué son frère Nadir – dont le cerveau fut greffé sur le premier Golgoth détruit par Goldorak –, tente de tuer le prince d’Euphor. L’explosion qui vient illustrer les souvenirs d’Aphélie sur la destruction d’Euphor renvoie à l’image des bombes qui explosèrent à Hiroshima et Nagasaki mais elle permet aussi, dans le cadre de la diégèse, d’illustrer la tension extrême de l’affrontement entre Aphélie et Actarus.

Les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki en août 1945 ne cessent de hanter la mémoire du Japon et ont contribué au rapport parfois tourmenté que les Japonais entretiennent avec leur histoire. Cette immense catastrophe a traumatisé toute une génération. Les atomisés (hibakusha) ont incarné, dans le Japon de l’après-guerre, le refoulement de l’holocauste nucléaire dans la mémoire collective japonaise. Il n’est donc pas surprenant que cette « mémoire traumatique unique1 », pour reprendre l’expression de Jean-Marie Bouissou, trouve un écho dans la culture populaire japonaise, que ce soit au cinéma avec la saga du film de monstre (kaijû eigaGodzilla dès 1954, dans des mangas comme Gen d’Hiroshima (Hadashi no Gen, 1973) de Keiji Nakazawa2 ou bien à travers des anime tel que UFO Robo Grendizer, plus connu en France sous le nom de Goldorak (1975-1977).

2À travers un bref examen des deux premiers volets de la série des Godzilla (Gojira) réalisés par Ishirô Honda en 1954 et par Motoyoshi Oda en 1955 ainsi qu’à travers un certain nombre d’épisodes qui composent la première saison de cette série mecha, notre étude se propose de montrer comment certains motifs visuels liés au traumatisme nucléaire ressurgissent dans Goldorak. Ces motifs sont à même d’éclairer une réflexion sur la prégnance de la thématique de l’apocalypse nucléaire dans la culture populaire japonaise. Cette étude s’attachera à démontrer la difficulté et la complexité qu’il y a à parler de ces traumatismes nationaux que sont les catastrophes d’Hiroshima et de Nagasaki.

Les hibakusha ont longtemps tenu à se taire comme s’ils étaient frappés de mutisme devant l’indicible. L’une des survivantes d’Hiroshima, Hashizume Bun, écrira, bien des années plus tard : « Je ne pouvais pas croire que c’était réel. C’était un spectacle irréel tant il était inconcevable ; le regardant avec stupeur j’étais abasourdie et avais l’impression d’avoir perdu la raison » (Le jour où le soleil est tombé…, 2007, p. 28). Par ailleurs, leur présence venait rappeler aux Japonais l’humiliation de la défaite à laquelle s’ajoutait un sentiment de honte que les hibakusha ressentaient eux-mêmes. Ils furent donc mis à l’écart de la société pendant la période de reconstruction et d’occupation militaire américaine. Il leur faudra attendre 1957 pour bénéficier de la prise en charge gratuite des soins liés à ce qu’on a appelé le syndrome des atomisés.

  • 3  Susan J. Napier, « Panic Sites : The Japanese Imagination of Disaster from Godzilla to Akira », Jo (…)

3L’une des questions centrales liées au traumatisme est de savoir comment le cinéaste ou le mangaka peut traduire l’horreur en images. Ce chapitre s’attellera donc dans un premier temps à montrer la façon dont Ishirô Honda dépeint subtilement toute l’horreur de l’holocauste nucléaire, avant d’examiner comment Gô Nagai fait référence à ce traumatisme, illustrant ainsi ce que Susan J. Napier appelle « l’imaginaire de destruction nippon3 », qui imprègne fortement Goldorak. Comment le motif de l’apocalypse nucléaire ressurgit-il au cours de la première saison, et comment est-il lié à la question environnementale qui constitue l’un des thèmes majeurs de la série ?

https://books.openedition.org/pufr/32170?lang=fr

Goldorak, épisode 3, « Fiesta tragique ».Goldorak, épisode 25, « Les amoureux d’Euphor » : le fond subjectif.Goldorak, épisode 25, « Les amoureux d’Euphor ».Goldorak, épisode 6, les motifs d’explosion nucléaire.

http://archivesgamma.fr/2024/01/18/goldorak