Bleu Gorgone #2

Bleu Gorgone 2 est le fruit d’une technologie de pointe, dernier né d’une série de développée par Stéfane Perraud. L’ invite à s’immerger dans un espace où un rayonnement diffus laisse deviner quatre cuves disposées en croix sur une table optique. Chacun de ces réservoirs est surmonté d’un bloc optique et sonore qui sert d’interface à la machine avec le spectateur. Le visiteur est invité à jeter un œil à travers l’oculus destiné à enregistrer son iris code. Après quelques instants, un ballet bleu de rayons lasers traverse le gel phosphorescent qui remplit les cuves. Apparaissent des figurations schématisées de l’iris des spectateurs qui se sont prêtés à l’expérience.

Ces formes mobiles rappellent les premiers motifs dessinés par Stéfane Perraud pour représenter les isotopes instables rejetés par les centrales — ils flottent, ils mutent, ils cassent, comme si de l’œil de chaque homme pouvait dériver un noyau radioactif. Cette expérience nous en présence d’une solidification de la lumière, qui s’étale et vibre dans le liquide. Fenêtres ouvertes sur la matière, les réservoirs semblent révéler les secrets de l’infiniment petit, tout en dégageant l’immensité du ciel étoilé en mutation. Suspendus quelques instants, les polyèdres irréguliers, dérivés de l’iris des spectateurs, fixent leur intensité, pour finalement révéler, les lasers une fois éteints, la rémanence d’une forme complexe appliquée à la matière.

“Bleu Gorgone 2” est le point de rencontre de deux horizons distincts. L’un est purement physique, l’autre mythologique. L’eau soumise à une source radioactive produit une lumière d’un bleu intense, que l’on a peu de chance de voir ailleurs qu’au cœur d’une centrale nucléaire, dans les bassins où les particules se déplacent à une vitesse supra-luminique. Ce bleu inconnu des peintres et des écrans est un des fils rouges de Stéfane Perraud dans sa conquête détournée de l’énergie nucléaire. Les lasers bleus des cuves de gel sont une approche de d’ mis à la portée de l’homme. La Gorgone Méduse est une des figures les plus connues de la mythologie antique. Sollicitée par Stéfane Perraud depuis ses premières recherches, elle agit comme une métaphore de la question nucléaire. Porteur de force, porteur de mort, le regard de la Méduse, comme l’énergie nucléaire, brûle les yeux de ceux qui le défient. La référence croisée de la mythologie à la science est pour l’artiste le moyen le plus simple de réinsérer la technologie contemporaine dans une vaste histoire — comme pour dire que rien de ce qui sort de l’esprit humain ne se détache de ce qui l’a vu naître.

Ce projet initié en 2009 a connut plusieurs étapes. Les versions successives de cette fiction scientifique, à la limite du fantastique, ont toutes pour fin de déchirer le rideau étanche qui sépare le commun des mortels de la matière nucléaire, conçue comme un mythe moderne. Le recours à la fiction est un des moyens utilisés par l’artiste pour s’approprier l’inabordable infrastructure technologique qui entoure et protège la matérialité de l’énergie, et rapporter à une échelle humaine le totémisme démesuré du fantasme nucléaire.

Porteur du projet: Stéfane Perraud. Texte: Aram Kebabdjian Chercheurs associés: Christel Pierlot, Daniel Hennequin, Philippe Verkerk, Laurent Sparrow, Niki Bacille; Directrice de production: Julie Miguirditchian

http://archivesgamma.fr/2016/10/01/bleu-gorgone-2