Port Hope

Dix-huit mille personnes vivent dans la ville pittoresque de Port Hope sur la rive nord du Ontario, à une heure de route de Toronto. L’endroit accueille l’une des plus anciennes et importantes centrales de traitement chimique de l’uranium de la planète, située à proximité du secteur commercial du centre-ville. À l’arrière-plan de cette image se trouvent les deux principales installations de conversion de l’uranium : la plus petite, à gauche, traite l’uranium à usage domestique; la plus grande, à droite, prépare l’uranium pour l’exportation dans le monde entier.

L’usine de conversion de l’uranium de Cameco a ouvert en 1932 comme raffinerie de radium. En 1942, on a commencé à y raffiner l’uranium, dans le cadre du projet Manhattan. Au cours de ces années, la raffinerie a rejeté des déchets radioactifs directement dans le port voisin, siège encore aujourd’hui des activités récréatives du Port Hope Yacht Club. Le traitement de l’uranium à Port Hope pour le programme d’armement nucléaire américain s’est poursuivi jusqu’en 1965.

Les installations de Cameco sont parmi les plus importantes des douze usines de conversion de l’uranium dans le monde. L’uranium extrait en Saskatchewan est d’abord traité à la raffinerie de Blind River, dans le nord de l’Ontario, où il est transformé en gel de trioxyde d’uranium. Le gel est ensuite expédié à Port Hope, où il est converti par procédé chimique en autres composés de l’uranium. Le dioxyde d’uranium (15 pour cent de la production de Cameco) est obtenu dans le bâtiment sur la gauche; il est ensuite manufacturé en barres de combustibles pour usage domestique. Dans le bâtiment plus important sur la droite, on produit de l’hexafluorure d’uranium (85 pour cent de ce qui sort de chez Cameco) pour l’exportation. L’hexafluorure est envoyé dans des usines d’enrichissement qui produisent de l’uranium faiblement enrichi (UFE) destiné à alimenter des réacteurs à eau ordinaire dans le monde entier, ainsi que de l’uranium hautement enrichi (UHE) qui peut servir pour propulser les sous-marins nucléaires, pour la production d’isotopes médicaux et les armes nucléaires.

L’école primaire St. Mary’s a dû être évacuée en 1975 après que du radon radioactif a été détecté à l’intérieur. Les taux de radon dans la cafétéria étaient plus élevés que la limite permise dans une mine d’uranium souterraine, et ce, parce que le gaz radioactif était produit de façon continue par les sols contaminés au radium utilisés comme remblai dans l’aire de jeu et autour des fondations de l’école. La raffinerie d’uranium avait mis ces matériaux radioactifs gratuitement à disposition des citoyens de Port Hope à la fin des années 1950.

En 1975, les matériaux contaminés autour de l’école ont été retirés et envoyés par camion vers une décharge locale accueillant des produits radioactifs. Aujourd’hui, le nettoyage le plus onéreux de l’histoire du Canada jamais réalisé par une ville est en cours à Port Hope, puisque des déchets radioactifs ont été retrouvés dans des centaines de propriétés et de ravins des environs. Plus d’un million de mètres cubes ont été localisés jusqu’à maintenant. Les déchets seront recueillis, remballés, transportés et stockés dans une installation technique de gestion à long terme tout juste au nord de la ville, dans le village de Welcome. Le projet prévoit aussi le dragage du port afin de récupérer l’essentiel des sédiments radioactifs qui y reposent. Ce nettoyage est une entreprise conjointe entre le gouvernement du Canada et la ville de Port Hope, à un coût estimé de 1,2 milliard de dollars.

Photographies de Robert Del Tredici. Textes de Robert Del Tredici et Gordon Edwards

https://www.cca.qc.ca/fr/articles/issues/19/notre-client-la-planete/40788/regards-sur-lontario-nucleaire

http://archivesgamma.fr/1942/01/15/port-hope