Delanne

Arrêtons-nous un instant pour nous demander de quoi est composé le fluide des magnétiseurs, et ce qu’il faut entendre par ce mot, qui semble si vague. Indépendamment du parti pris des savants officiels, une des du discrédit dans lequel la théorie magnétique est tombée, était la difficulté de classer l’agent dont les somnambules signalaient l’existence parmi les phénomènes naturels étudiés jusqu’alors. Le mot fluide prêtait à l’équivoque. Avait-on affaire à une substance matérielle comparable à l’état des gaz très raréfiés, ou bien se trouvait-on en présence d’une
manifestation de l’énergie, analogue à la lumière ultra-violette ou à l’électricité?
Les observations relatées semblaient appuyer aussi bien l’une que l’autre supposition, et cette indécision était encore augmentée par le fait que le fluide en question traversait les obstacles matériels et semblait transmettre de l’énergie, toutes choses qui paraissaient profondément invraisemblables, avant que les découvertes faites depuis un quart de siècle ne nous aient familiarisés avec les cathodiques et les rayons X, qui présentent justement des propriétés analogues. Remarquons aussi que l’analogie que l’on établissait entre le fluide magnétique et celui qui s’échappe des plantes, des cristaux, des aimants, n’était pas faite pour jeter de la lumière sur ce problème, car si beaucoup de magnétiseurs attribuaient au système nerveux le pouvoir d’engendrer ce fluide, cette explication ne convenait plus pour les plantes, et à plus forte raison pour les cristaux et le fer aimanté. Il est vrai que Charpignon avait remarqué que les somnambules bien entraînés distinguent entre elles ces différentes radiations, mais sans désigner les caractères spécifiques de chacune d’elles.

Bien que nous n’ayons pas encore aujourd’hui une connaissance précise du genre de radiation qui s’échappe du corps humain, spontanément ou pendant l’action magnétique, les recherches entreprises sur la matière raréfiée dans le tube de Crookes et les remarquables propriétés des émanations de l’uranium, du thorium, du radium etc., nous mettent en présence d’états delà matière qui étaient profondément inconnus jus qu’alors.

L’abîme qui semblait exister entre la matière et l’éther se comble maintenant par une série d’états
intermédiaires, pour ainsi dire semi-matériels, qui relient la substance pondérable à celle qui ne l’est pas.
[…]

Il y a peu de encore, on considérait comme une certitude absolue le dogme de l’indestructibilité de la matière. L’atome était insécable, éternel ; il constituait la base physique de l’univers et restait inaltéré au milieu de ses incessantes mutations. Mais voici que des faits nouveaux viennent détruire cette antique croyance. Des recherches de Curie, de Le Bon, de Thomson, de Rutherford, etc., il résulte que l’atome, sous l’influence de divers causes, peut se fragmenter, se diviser en plusieurs parties, en un mot se dissocier, pour donner naissance à des particules infiniment petites, animée de vitesses énormes, capables de rendre l’air conducteur de l’électricité, de traverser des obstacles, et dont certaines peuvent être déviées par un champ magnétique. Aucune des forces actuellement connues ne pouvant produire de tels effets et, en particulier, l’émission de particules dont la vitesse approche de celle de la lumière, il était évident que l’on se trouvait en

présence de phénomènes complètement inconnus.
Plusieurs théories furent proposées pour expliquer les faits, mais la seule qui ail survécu est celle de la dislocation des atomes. Chose très importante à constater, c’est que cet émiettement de l’atome est, un phénomène absolument général. On trouve aujourd’hui de la radio activité —
terme par lequel on désigne aussi la fragmentation de l’atome — à peu près partout ; dans certains métaux frappés par la lumière, dans l’eau, le sable, l’argile, là brique, etc.
M. Le Bon écrit : Que devient la matière en se dissociant ? Peut-on supposer que les atomes en se désagrégeant ne font que se diviser en parties plus petites formant ainsi une simple poussière d’atomes ? Nous verrons qu’il n’en est rien et que la matière qui se dissocie se dématérialise en passant par des phases successives qui lui font perdre graduellement ses qualités de matière jusqu’à ce qu’elle soit finalement retournée à l’éther impondérable d’où elle semble issue.
Après avoir reconnu que les atomes peuvent se dissocier, il fallait rechercher où ils puisent l’immense quantité d’énergie nécessaire pour lancer dans l’espace des particules avec une vitesse de l’ordre de celle de la lumière.
L’explication était en réalité assez simple puisqu’il suffisait de constater, comme j’ai essayé de le montrer, que loin d’être une chose inerte, capable seulement de restituer l’énergie qui lui a été artificiellement fournie, la matière est un réservoir énorme d’énergie, l’énergie intra-atomique.
Mais une telle doctrine heurtait trop de principes scientifiques, fondamentaux, séculairement établis, pour être immédiatement admise et avant qu’on l’acceptât, diverses hypothèses furent successivement proposées.
Habitués à considérer comme des vérités absolues les principes rigides de la thermodynamique, persuadés qu’un système matériel isolé ne peut posséder d’autre énergie que celle qui lui a été d’abord fournie du dehors, la plupart des physiciens persistèrent longtemps, et quelques-
uns persistent encore, à chercher à l’extérieur les sources de l’énergie manifestée pendant la dissociation de la matière. Naturellement ils ne la trouvaient pas, puisqu’elle est dans la
matière même et non extérieure à elle.
Ces idées ne sont pas particulières au docteur Le Bon, car voici ce qu’écrivent maintenant des physiciens éminents comme MM. Lodge et Crookes :
Nous ne devons plus admettre, dit le premier, que l’atome est permanent et éternel. La matière peut
probablement naître et périr. L’histoire d’un atome présente des analogies avec celle d’un système solaire.
Dans la théorie électrique de la matière, la combinaison des électrons peut produire l’agrégat électrique appelé un atome, et sa dissociation s’accompagne d’un phénomène de radioactivité.
W. Crookes, à son tour, arrive à une conclusion analogue :
Cette fatale dissociation des atomes, dit-il, semble universelle. Elle se manifeste quand nous frottons un bâton de verre, quand le soleil brille, quand un corps brûle, quand la pluie tombe, quand les vagues de l’océan se brisent. Et, bien que la date de l’évanouissement de l’univers ne puisse être calculée, nous devons constater que le monde retourne lentement au brouillard informe
du chaos primitif. Ce jour-là, l’horloge de l’éternité aura terminé son cycle.
Ainsi donc, la matière n’est pas éternelle. Lentement, sous l’influence de très diverses que nous énumérons plus loin, elle se fragmente en une poussière de corpuscules dont il est impossible de s’imaginer le prodigieux état de ténuité, puis s’évanouit dans l’éther. L’atome est déjà quelque chose de presque incompréhensible pour nous, puisque Crookes a montré que dans un ballon de 13 centimètres de diamètre où le vide a été fait au millionième, il doit passer trois cents quintillions de molécules par seconde dans l’ouverture la plus fine, celle produite au moyen d’une étincelle électrique, — pour que le vide soit comblé en une heure et demie !
Que penser alors de particules qui sont elles-mêmes mille fois plus réduites que l’atome d’hydrogène, le plus petit de ceux que nous connaissons ?
Il est clair que ce monde de l’infiniment petit nous échappe complètement, et que ce n’est que par des comparaisons que nous pouvons grossièrement nous représenter ce quasi, néant. Essayons d’en donner une idée.
Suivant des expériences très précises exécutées par d’éminents physiciens tels que Rutherford, Thomson, etc., un millimètre cube d’hydrogène contiendrait 36 millions de milliards de molécules !
Essayons de nous figurer un nombre aussi gigantesque : grossissons par la pensée chacune des molécules jusqu’à ce qu’elles aient, un millimètre de côté et la forme d’un petit cube. Pour contenir les 36 millions de milliards de petits cubes, il faudrait un réservoir cubique dont la base aurait cent mètres sur chacune de ses faces et une hauteur de trois mille six cents mètres !
Ce n’est pas tout ; il serait nécessaire de rendre mille fois plus haut ce réservoir, si l’on voulait représenter par la même hypothèse la quantité de particules que pourrait donner un millimètre
cube d’hydrogène dissocié ! 
 
Gabriel Delanne, LES APPARITIONS MATERIALISEES DES VIVANTS ET DES MORTS LES FANTOMES DE VIVANTS, L’ouvrage renferme de nombreuses photographies, Paris, Leymarie, 1909-1911, 2 vol., 528 + 842 p.
ici p. 178 :
https://docplayer.fr/82498836-Les-apparitions-materialisees-des-vivants-et-des-morts.html#
 

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