Décontaminer

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Environ 5 centimètres de terre ont été enlevés sur toute la surface agricole. Une couche de granite concassée a été déposée à la place. Seules les forêts nont pas été assainies. Elles constituent pourtant un important réservoir de radioéléments. Les crues, les glissements de terrain, l’érosion des sols, en particulier lors des typhons qui peuvent traverser la région entre juillet et octobre, distribueront dans le paysage les traces de la catastrophe de Fukushima.

Olivier Monod, « Fukushima : les sols décontaminés, pas la forêt », Libération, 20 décembre 2019

​Les travaux de décontamination des sols faisant suite à l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Dai-ichi, démarrés en 2013, sont aujourd’hui quasiment achevés dans les zones prioritaires qui avaient été identifiées.

“Le retour d’expérience sur les procédés de décontamination suite à l’accident nucléaire de Fukushima est sans précédent, selon Olivier Evrard, car c’est la première fois qu’un tel effort d’assainissement est fait à la suite d’un accident nucléaire. L’accident de Fukushima nous donne de précieuses indications sur l’efficacité des techniques de décontamination, notamment pour extraire le césium de l’environnement”

La mise en place de la solution doit plus au gros œuvre qu’à la technologie de pointe. Il s’agit d’enlever environ 5 centimètres de terre et de les mettre dans des sacs. Dans les zones agricoles, les autorités ont remplacé cette terre par une couche composée de granite concassé. Le granite a été pris en profondeur dans des carrières creusées pour l’occasion. Cette methode a permis de réduire les concentrations en césium d’environ 80 % dans les zones traitées. Néanmoins, l’enlèvement de la partie superficielle de la couche arable, qui s’est révélé efficace pour traiter les terres cultivées, a coûté à l’État japonais environ 24 milliards d’euros. Cette technique génère une quantité importante de déchets, difficiles à traiter, à transporter et à stocker pendant plusieurs décennies à proximité de la centrale, avant de les envoyer vers des sites de stockage définitif qui devraient être trouvés en dehors de la préfecture de Fukushima à l’horizon 2050. Début 2019, les efforts de décontamination de Fukushima avaient généré environ 20 millions de mètres cubes de déchets.

Les activités de décontamination ont ciblé principalement les paysages agricoles et les zones résidentielles. La revue pointe le fait que les forêts n’ont pas été assainies – à cause de la difficulté et des coûts très importants que représenteraient ces opérations –, or celles-ci couvrent 75 % des surfaces situées au sein du panache radioactif. Ces forêts constituent un réservoir potentiel à long terme de radiocésium, qui peut être redistribué à travers les paysages suite à l’érosion des sols, aux glissements de terrain et aux crues, en particulier lors des typhons qui peuvent traverser la région entre juillet et octobre. Atshuhi Nakao, co-auteur de la publication, souligne l’importance de poursuivre le suivi du transfert de la contamination radioactive à l’échelle des bassins versants côtiers, qui drainent la partie la plus contaminée du panache radioactif. Ce suivi permettra de comprendre le devenir du radiocésium résiduel dans l’environnement afin de détecter une éventuelle recontamination des zones assainies, en cas de débordement de cours d’eau ou d’épisodes d’érosion intenses dans les forêts.

Sources :  ​“Effectiveness of landscape decontamination following the Fukushima nuclear accident: A review”, Olivier Evrard, J. Patrick Laceby, and Atsushi Nakao, EGU open access journal SOIL, 12 décembre 2019, doi: https://doi.org/10.5194/soil-5-333-2019/ Olivier Monod, Libération, 20 décembre 2019

Image : O. EVRARD-P. LACEBY-A.NAKAO/ C.E.A.

http://archivesgamma.fr/2019/01/10/decontaminer