Oleg avait vingt-cinq ans quand il a entendu parler de Bazar pour la première fois. Il était manœuvre sur les chantiers. C’est-à-dire qu’il s’employait à la journée ou à la semaine pour un salaire de misère quand un patron voulait bien de lui.
Un jour, à la pause, un autre ouvrier a parlé à la cantonade de ce village de la « zone », déserté par ses habitants après l’explosion de la centrale, que le maire voulait repeupler en invitant des familles avec de jeunes enfants à reprendre des maisons abandonnées. Gratis. Et il avait du travail pour ceux qui voulaient se donner la peine de le prendre : tous les hommes étaient partis, il fallait les remplacer… Lui était trop vieux pour l’aventure, mais à leur âge, aux jeunes, il fallait y réfléchir. On pouvait se refaire une vie là-bas.
Jean-Paul Engelibet, La lumière de Tchernobyl, éd. L’ire des marges
Photographie : Guillaume Herbaut, Bazar, 2010