Marécage

«En 1988, Toussaint Luciani […éminence des réseaux Pasqua] est nommé directeur de la Société gabonaise d’études nucléaires (Sogaben). Un décret d’Omar Bongo attribuait à cette nouvelle entreprise un monopole pour “le stockage, l’importation, le transport et la gestion des déchets radioactifs” sur le sol gabonais. Un des administrateurs était Pascaline Bongo, la fille du Président. Un autre, Noël Pantalacci. Ce conseiller de plusieurs chefs d’État africains appréciait le titre envié de “premier des Africains de Pasqua”. Conçu par Omar Bongo, ce projet prometteur, aurait été promu avec acharnement et dans le plus grand secret par Jacques Foccart, qui aurait réussi à recruter, sans grande difficulté, Michel Pecqueur, ex-président d’Elf et ancien patron de la Cogema, ainsi que du Commissariat à l’énergie atomique. Le montage d’une couverture scientifique de l’aventure ne posait aucun problème. Le régime gabonais, pour sa part, semblait tout à fait enthousiaste. 

Cette Sogaben était un rêve milliardaire. S’il s’est dissipé, ce n’est pas parce que le site choisi pour le stockage des déchets nucléaires était un marécage. À en croire la version officielle, le contexte international était devenu défavorable : plusieurs bateaux bourrés de déchets toxiques venaient de se délester dans des ports africains, soulevant quelques vagues médiatiques. En mai 1988, les délégués au sommet de l’Organisation de l’unité africaine, à Addis-Abeba, émirent une résolution déclarant que “le déversement de déchets nucléaires et industriels était un crime contre l’Afrique et les populations africaines”. La Sogaben était morte. »

Arnaud Labrousse et François-Xavier Verschave, Les pillards de la forêt, Agone, 2002.

http://archivesgamma.fr/1988/03/26/marecage