13 septembre 1987 : Roberto dos Santos Alves et Wagner Mota Pereira s’introduisent dans une clinique abandonnée. À l’ombre d’un manguier, ils attaquent à la masse la machine qu’ils y ont dérobée. Vertiges, vomissements, diarrhées les surprennent à la tombée de la nuit. Un œdème boursoufle la main gauche de Wagner. Roberto parvient à extraire la capsule qu’il perfore d’un coup de tournevis. Un halo bleuté flotte dans le noir, l’humidité de l’air luit comme un néon. Il rêve de sertir l’un de ces cristaux sur une bague pour l’offrir à sa femme. L’appareil servait à traiter des tumeurs cancéreuses par irradiation. Lors de la décontamination, il a fallu démolir sept maisons. Le volume total de déchets était de 3 100 m3, soit environ 4 000 tonnes.
13 septembre 1987. Roberto dos Santos Alves et Wagner Mota Pereira, deux ferrailleurs des quartiers pauvres de Goiânia, la capitale de l’État brésilien de Goiás, s’introduisent dans une clinique abandonnée. Aucun garde, aucune barrière n’interdit l’accès au bâtiment en ruines dans lequel se frôlent mauvaises herbes, animaux et vagabonds. Leur brouette devant eux, les deux hommes s’enfoncent dans les couloirs à la recherche des équipements coûteux promis par une rumeur. Une étrange « tête » rotative arrimée à un pilier de métal attire leur attention. Elle semble précieuse. Ils la décrochent et l’éventrent sur place, révélant un mécanisme cylindrique en acier inoxydable d’une centaine de kilos. Cette trouvaille lourde et brillante leur plaît. Ignorant le sens du trèfle radioactif qui orne la machine, ils la chargent dans la brouette et la déposent dans le jardin de Roberto. C’est le début de l’accident radiologique de Goiânia.
Les deux hommes l’ignorent, mais l’appareil qu’ils viennent de dépouiller servait à traiter des tumeurs cancéreuses par irradiation, un procédé connu sous le nom de téléthérapie. Le mécanisme d’acier contient une capsule de césium 137, un matériau hautement radioactif. C’est cet isotope qui a contaminé la plupart de l’Europe suite à la catastrophe de Tchernobyl l’année précédente. À l’ombre d’un manguier, Roberto et Wagner attaquent le cylindre à la masse dans la chaleur tropicale. L’un des symptômes initiaux du syndrome d’irradiation aiguë, des vomissements, les surprennent à la tombée de la nuit. Rien ne leur permet de comprendre ce qui leur arrive : les rayons bêta et gamma qui ravagent leurs cellules sont invisibles, inodores et insipides. S’étant convaincus qu’il s’agit d’une bête intoxication alimentaire, les ferrailleurs continuent un peu le travail avant de se coucher.
Le 14 septembre, de retour à la tâche, Wagner est pris de vertiges et de diarrhées. Un œdème boursoufle sa main gauche. Ces nouvelles manifestations du mal des radiations, les médecins qu’il consulte le lendemain ne les reconnaissent pas. Mais comment l’auraient-ils pu ? Ces symptômes sont communs et le mal dont souffre le jeune homme, exceptionnel. Les médias ne rapportent aucun incident radiologique et la seule centrale nucléaire du Brésil se trouve à plus de 1 000 kilomètres de Goiânia. Wagner lui-même ignore qu’il s’est approché d’un isotope radioactif. Déclaré victime d’une allergie alimentaire, il quitte la clinique avec une prescription de repos d’une semaine. Sa fatigue est telle qu’il n’a pas vraiment le choix. Roberto, qui poursuit le travail seul, est parvenu à extraire la capsule de césium 137 de son mécanisme.